Dans quel mesure vos romans sont-ils vrais ?
Cette question était si souvent posée que j’ai voulu obtenir une réponse définitive. Alors j’ai fait analyser mes romans par l’ INSL (Institut National des Statistiques Littéraires) dans le 6e arrondissement à Paris. Les chercheurs ont trouvé que mes romans sont 64,3% vrais. Ceci signifie que n’importe quel événement dans ces romans a 64,3% de chance d’être 100% vrai. En moyenne, bien sûr. Certaines choses seront 100% vraies, d’autres zero pour cent.
Pour comparer, une biographie moyenne est 75% vraie, et une autobiographie 69%, chiffre qui descend à 47% pour les stars et politiciens, et jusqu’à 36% pour les ex-présidents.
NB mes livres d'histoire sont bien sûr 100% vrai, et mes correcteurs très assidus pourront le confirmer. Si jamais on m'informe sur une erreur, je la fais corriger dès l'impression suivante.
Avez-vous réellement ouvert un salon de thé à Paris ?
Non, mais j’y ai vaguement pensé quand je travaillais à Paris et je trouvais qu’il manquait de sandwichs grillés. Après, j’ai découvert le chèvre chaud et mon problème était réglé. Je pouvais me tourner vers la littérature.
Combien de temps faut-il pour écrire un livre ?
Le temps qu'il faut. Pour God Save la France neuf mois. God Save les Francaises pareil. Merde Happens un an et demi, au moins, car il fallait faire beaucoup de voyages. Celui-là, je l'ai beaucoup écrit dans des hôtels américains. Je voulais vraiment prendre mon temps. C'est pour cela que j'ai interrompu l'écriture pour faire Français, je vous haime, qui nécessitait juste de rester collé à mon ordinateur à Paris pendant trois ou quatre mois. Depuis, j'ai découvert qu'il faut assez longtemps pour écrire un livre d'histoire, 1000 Ans de mésentente cordiale, surtout si on veut lire de vraies sources historiques comme le journal d'un contemporain de Jeanne d'Arc, les lettres de Marie d'Ecosse ou des récits de voyage inspirés par Voltaire. J'ai mis deux ans, mais il aurait fallu dix sans internet - maintenant on peut consulter des bibliothèques nationales en ligne. En fait, je suis toujours en train d'écrire ou d'attendre d'avoir le temps pour écrire.
Avez-vous une routine pour écrire vos livres ?
Non. J'écris dès que j'ai le temps, chez moi, dans des trains, dans les hôtels, partout. Parfois j'ai juste le temps de rentrer une correction qui m'obsède, une blague qui ne marche pas, un titre de chapitre qui me titille. Je me balade toujours avec un carnet pour noter des idées. Mais écrire vraiment, c'est quand j'ai plusieurs heures devant l'ordinateur pour vraiment avancer, écrire une scène. Puis j'imprime, je relis, je corrige, et ensuite j'entame la prochaine scène, etc. J'avance en spirale, puis à la fin, je relis et relis, en coupant et retravaillant jusqu'à ce que je sois complètement satisfait. Il ne faut jamais donner un texte à qui que ce soit si on n'est pas complètement satisfait soi-même.
Étiez-vous surpris quand les Français ont commencé à acheter A Year in the Merde en anglais ?
Oui, très étonné. Mes premiers lecteurs et trices étaient français, et pensaient qu’ils commmandaient un livre en Angleterre. Ils m’écrivaient des mails en anglais, par exemple “I am French but I have a sense of humour”. J’étais surtout étonné parce que les Français eux-mêmes m’avaient toujours raconté qu’ils étaient nuls en anglais. Alors, de là à lire un roman entier en anglais? Le cas équivalent en Angleterre serait impossible – des Anglais commandant un livre en français, par un Français qui se moque du pays de Sa Majesté? Jamais. Nous dirions plutôt “Pour qu’il se prend celui-là?”. Mais les Français ont prouvé qu’ils ont un grand sens de l’humour par rapport à eux-mêmes. Avec la condition, bien sûr, que l’humour soit juste. Les Français me disent que je les décris justement, et God Save la France, la traduction de A Year in the Merde, a très bien marché pour cette raison. Si je tombais dans le cliché du genre “ils se lavent avec du savon à l’ail”, ils ne me liraient pas. Je dis toujours que je ne me moque pas des Français, je les taquine. Et on ne taquine que ceux pour lesquels on sent une certaine affection.